Chantre de l’introspection et du travail de mémoire, Cacciatore crée une galerie de figurines pensives. Leurs individualités s’éclipsent derrière des allures stylisées, des yeux baissés, des dos tournés, jusqu’à en faire une communauté d’anonymes. Les titres des tableaux eux-mêmes (Just a Boy, The Path, Le Saut, La Minute de silence) renforcent l’énigme posée par les sujets.
L’analogie avec le réel n’apporte pas plus de réponse : les univers représentés sont en effet trop étranges — trop géométriques, plans et réguliers — pour ne pas être fictionnels. Sans doute ne sont-ils que les représentations symboliques d’une pensée, d’un moment. Le regard y bute fréquemment contre des obstacles visuels qui enclosent l’espace de la toile : mur de briques, rempart de nuages, rangée de maisons, océan d’ombres…
Entre chimère et mutisme, le décor ainsi planté semble forcer les personnages à demeurer à l’intérieur du tableau et à l’intérieur d’eux-mêmes, absents au monde, perdus dans la contemplation d’une mémoire collective ou personnelle. Et s’il y a drame, celui-ci est bien caché.
Biographie
Né en 1966, Antonio Cacciatore est un artiste plasticien d’origine sicilienne.
En 2006, Cacciatore met un terme à sa carrière de consultant. Il part vivre en Australie où il commence des études d’arts plastiques à la prestigieuse Sydney National Art School.
De retour à Paris, il entre dans l’atelier d’Ingrid Distler, professeur à la Frankfurt Kunstakademie. Il suit en parallèle les cours du peintre mexicain hyperréaliste Francisco Rangel. Cette double formation lui permet d’acquérir une maîtrise technique héritée des grands maîtres renaissants et néo-classiques, qu’il associe à des pratiques contemporaines.
En 2009, Cacciatore reçoit le premier prix du Toit de l’Arche de la Défense des mains d’Antoine Poncet, président de l’Académie des Beaux-Arts. Les expositions se succèdent. Aujourd’hui peintre à part entière, il vit et travaille à Paris.
———————
His introduction to painting is the story of a risk-taker, a common feature of late career changes. From a working class background, and then going on to become an engineer and consultant, Antonio Cacciatore regarded art as a sphere which was foreign to him, something he had no right to attempt. This is the unusual route that this figurative artist has taken ; whose works carry an air of melancholia and secrecy like those of Edward Hopper and Paul Delvaux.
A champion of introspection and remembrance, Cacciatore creates a gallery of pensive figurines. Their individuality is obscured behind a stylized appearance, with eyes lowered or backs turned, until he has created a community of the anonymous. Neither the titles of the paintings themselves (Just A Boy, The Path, The Jump, The Minute of Silence) restate the riddle posed by the subjects.
But a resemblance to reality does not give any answers : the universe represented here is too strange – too geometric, flat and regular – to not be fictitious. They may only be symbolic representations of a thought, of a moment. The eye frequently stumbles across obstacles enclosing the space of the canvas : a brick wall, a rampart of clouds, a row of houses, an ocean of shadows… Between fantasy and silence, the setting of the painting seems to force the figures to remain inside it, and by extension inside themselves ; absent from the world, lost in contemplation of a personal or collective memory. If there is a drama within the painting, then the artist ensures it remains well hidden.
Biography
Born in 1966, Antonio Cacciatore is a visual artist with Sicilian origins.
In 2006 while living in Australia, Cacciatore chose to leave his career as a Management Consultant. He began studying Visual Arts at the prestigious Sydney National Art School.
Upon his return to Paris, he entered the studio of Ingrid Distler, Professor at the Frankfurt Kunstakademie. At the same time, he was taking courses with the Mexican hyper-realist painter Francisco Rangel. This simultaneous training allowed him to work towards achieving a technical mastery, established originally from the Renaissance and neoclassical grand masters, which Cacciatore pairs with his own contemporary methods.
In 2009, Cacciatore received the ‘Prix du Toit de l’Arche de la Défense’, awarded by Antoine Poncet, president of the Académie des Beaux-Arts. He then began exhibiting his work regularly.
Antonio Cacciatore is now a full-time painter who lives and works in Paris.
LA SERIE ‘HOME’, 2016–2017
Dans un recul nécessaire par rapport à l’anecdote et à l’actualité, la série Home d’Antonio Cacciatore offre une perspective métaphorique et méditative sur le thème de la migration et de l’exil.
La terre, celle que l’on quitte et celle que l’on trouve, le départ et le franchissement, les obstacles et les fardeaux.
Hommes, femmes, enfants, travailleurs, d’ici et d’ailleurs, d’hier et d’aujourd’hui — qu’importe les catégories dans lesquelles on les place. Ces silhouettes, de dos ou faces baissées, voûtées ou tendues, sont en mouvement, comme autant de figures de la résolution.
Ces migrants, Antonio Cacciatore, lui-même fils d’immigrés siciliens, les peint en emblèmes du vouloir-vivre.
« Nous sommes dans un siècle de migration mais migration est un mot trop abstrait, c’est plutôt de séparation ou de perte de son ‘centre’, ce que les anglais appellent Home, difficilement traduisible en français, vers l’inconnu, l’étranger, et ce par un chemin parfois terrifiant.
Par définition Home est le centre du monde. Quand on est obligé de quitter ce centre, où tout l’avenir, tout le passé, tout ce qui existe sur Terre est en un sens réuni, alors on perd le sens d’un centre et on tombe dans l’absurde.
L’exil souligne de manière marquée ce qui est absurde dans la vie. A ce moment-là, le besoin de la foi est le plus grand car la foi est ce qui permet de surmonter l’absurde.
C’est exactement là que les grands espoirs commencent, avec la perte et la douleur.
Quand on se sent vraiment abandonné, on commence à trouver un grand chemin d’espoir. L’Art parle de la perte et du manque mais tourné vers l’espoir. »
John Berger, entretien pour France Culture, novembre 1989